Big Lucky Carter
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Big Lucky Carter
Le blues fourmille de destins étonnants ; celui de Big Lucky Carter l’est à plus d’un titre. A commencer par son premier disque enregistré à l’âge de 78 ans...
Levester Carter est né en 1920 dans un petit village du nom de Weir dans les collines du Mississippi, à l'est du Delta. Son nom, Carter, il le doit à son grand-père, ancien esclave qui reçut le nom de son propriétaire lors de son émancipation. "Le propriétaire a tenu sa promesse", insiste Big Lucky, en donnant à son grand-père une mule, deux vaches, deux cochons et 16 hectares à French Camp. Cette terre appartient toujours aux quatre Carter survivants qui l'entretiennent fièrement, même si on sait que la vie de leur famille n'y a pas forcément été facile.
Il habitait une maison sans eau courante et devait tous les jours aller en chercher chez sa grand-mère qui vivait de l'autre côté de la colline. Et c'est là qu'il découvrit la musique, sous la forme d'un piano qu'elle possédait. A chaque fois qu'il le voyait, il ne pouvait s'empêcher de taper sur les touches, d'essayer de jouer quelque chose. Sa mère attendait alors longtemps le porteur d' eau, et elle venait souvent, furieuse, l'extirper du piano à grands coups de pieds dans le derrière. "It's not funny", se souvient Carter.
Loin d'être détourné de la musique par les punitions de sa mère, Levester rêva très tôt de devenir musicien professionnel. "Je me suis fait ma guitare avec une planche sur laquelle j'ai mis des cordes en acier. Je n'en avais que quatre. Et j'ai pris le bottleneck, je voulais être un joueur de guitare slide comme Tampa Red et Blind Lemon Jefferson qui étaient vraiment mes idôles". Pourtant, malgré la relative proximité du Delta (150 km à l'Ouest), Lucky Carter ne rencontra pas les bluesmen tels que Son House ou Robert Johnson. Il les écoutait en disques, sans savoir qui en étaient les interprètes ! Il écoutait aussi Blind Lemon Jefferson, Tampa Red, Bessie Smith, Victoria Spivey...
En 1938 Carter quitte sa terre natale pour servir durant cinq ans dans l’US Army. Il passa deux ans de service actif dans le Pacifique Sud, où il gagna au jeu le surnom de “Big Lucky” avant d’être démobilisé en 1946.
Après un intermède à la ferme familiale, il arrive en 1950 à Memphis pour rejoindre le groupe de son cousin Ed "Prince Gabe" Kirby. Carter joue alors du côté de Beale Street, notamment le saloon de Sunbeam Mitchell, où passaient alors tous les plus grands musiciens de Memphis. Il apparaît dans la plupart des enregistrements qu'effectua Prince Gab à la fin des années 50 et début des années 60 (sous le nom de "Ed Kirby" ou "Prince Gab and the Millionaires"). A cette époque Big Lucky jouait toutes les nuits jusqu'à 4 heures du matin, avant d'aller travailler. Dans les clubs blancs où il jouait parfois, il se rappelle qu'il devait prendre sa pause dans la cuisine ou à l'extérieur.
Ce fut en 1965 que Big Lucky Carter enregistra sous son propre nom, avec le groupe les "Millionaires" (ex-"Rythmaires") : "My sweetheart is like a gipsy" c/w "Leo the Lion" (Westside 100). Il joue dans plusieurs formations, notamment avec le pianiste Clarence English et le batteur L.T. Lewis, avec lesquels il se produit dans le club "El Toro" de West-Memphis, mais il n’en subsiste, hélas, aucun enregistrement de leur collaboration.
Carter eut plus de succés avec son second enregistrement "Ohio Bound" et "Hurricane Blues" (Bandstand USA 1003). Dans la foulée il enregistre six titres avec Poppa Willie Mitchell en 1969 et un single en fut édité avec "Stop arguing over me", "Miss Betty Green" (M.O.C. 670). "Ce fut mon meilleur contrat" reconnait Carter qui effectuait à l'époque une émission de radio tous les samedis après-midi : "Saturday Night Fish Fry" sur WDIA. Ce disque de Poppa Willie remporta un grand succès dans le milieu du Rythm'n'blues et fut suivi par la sortie de "Goofer Dust". Ces disques montrent un côté plus "soul" que blues, et Carter avoue qu'il a toujours désiré être un joueur de jazz.
S’ensuit une longue nuit discographique de 15 ans, mais Lucky Carter continue imperturbablement à jouer son blues à Memphis. Se faisant toutefois fortement remarquer au" Gloucester Blues Festival" de 1993
Au début de la décennie 90, il enregistre plusieurs titres acoustiques pour la série "The Spirit Lives on" produite par Evans et distribuée uniquement en Allemagne (label Hot Fox). Il tourne alors en Europe (Hollande, Belgique, France, Allemagne) avant que Evans puisse enfin lui faire enregistrer le disque historique "Lucky 13" en 1998 pour le label Blueside ; son premier “vrai” disque. Celui-ci ravit les puristes du blues : musique sans fioritures, textes passionnés, rudes et francs. Les sujets abordés peuvent déranger : la vieillesse ("Let me Die in Love"), l'abus de drogue ("Papa is a Junkie"), le sexe ("Grazing in your pasture"), le Sida ("AIDS is Killing Me"). Après plus de 50 ans passés à jouer dans les bars de Memphis Big Lucky Carter accède enfin à une consécration méritée. A la fin des sessions il écrit sur les murs du studio " à 78 ans, Big Lucky l’a fait ".
Hélas, il ne profitera que peu de temps de cette nouvelle notoriété, peu avant la Noël 2002 Big Lucky s’éteint après une vie bien remplie au service du blues.
La maigre discographie de Big Lucky Carter ne reflète en rien son talent et sa carrière. Il savait passer de l'humour et de la grivoiserie à des sujets graves comme le sida, le racisme ou la drogue. C’est un bluesman qu’il est impératif de découvrir.
Discographie :
Devil's Slide- Calembour ... bon
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Re: Big Lucky Carter
C'est ça qui fait le blues, tous ces types qui vivaient cette musique et dont leur histoire parvient à nous, quelquefois en n'ayant même jamais enregistré. C'est comme ça qu'il vit le Blues et qu'il vivra toujours.
Re: Big Lucky Carter
Et j'ajoute que ce sujet devrait figurer dans blues et non dans Le Blues moderne et le Blues-rock
Re: Big Lucky Carter
Je confirme les propos de Devil' pour l'avoir écouté chez le beauf-frère.
C'est effectivement un album hautement recommandable, tin j'y pense, je vais voir avec lui (amateur de blues itou ) qui le possède afin de me le prêter
Big Lucky a mis le temps avant de sortir un album comme Mighty Mo Rogers mais il a "tapé" très fort lui aussi avec cet excellent "13"
C'est effectivement un album hautement recommandable, tin j'y pense, je vais voir avec lui (amateur de blues itou ) qui le possède afin de me le prêter
Big Lucky a mis le temps avant de sortir un album comme Mighty Mo Rogers mais il a "tapé" très fort lui aussi avec cet excellent "13"
Invité- Invité
Re: Big Lucky Carter
Old_Debris a écrit:Et j'ajoute que ce sujet devrait figurer dans blues et non dans Le Blues moderne et le Blues-rock
Eh bien figures toi que c'était ma première intention et puis je me suis ravisé. Bon, chef Jungle devrait pouvoir réparer cette erreur sans trop de problèmes.
Tiens, en pénitence, je me condamne à écouter le dernier Jauni cinq fois de suite... non, finalement trois fois ça suffira
Devil's Slide- Calembour ... bon
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Re: Big Lucky Carter
si je ne me trompe pas sa cousine était Jessie Mae Hemphill qui est décédée il y a deux ans.
Curieux destin d'avoir attendu 78 ans pour être enfin enregistré. Luck 13 avait rencontré un excellent accueil dans la presse spécialisée lors de sa sortie. Que voilà une bonne occasion de le ressortir du bac à disques
Curieux destin d'avoir attendu 78 ans pour être enfin enregistré. Luck 13 avait rencontré un excellent accueil dans la presse spécialisée lors de sa sortie. Que voilà une bonne occasion de le ressortir du bac à disques
Re: Big Lucky Carter
je l'ai, faut que je me le rejette derriere les oreilles demain j'ai le souvenir de titres sur des problèmes sociaux très actuels (papa was a junkie).
badlieut2002- Chicago Hero
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Re: Big Lucky Carter
Affirmatif les amis, ressortez le du fond de votre discothèque vous verrez, vous ne serez pas déçus.
Tu as raison bb boogie, sa vision sur les problèmes sociaux est, hélas, encore d'actualité...
Tu as raison bb boogie, sa vision sur les problèmes sociaux est, hélas, encore d'actualité...
Devil's Slide- Calembour ... bon
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Date d'inscription : 06/11/2007
Re: Big Lucky Carter
A la suite du sujet de Devil's Slide j'ai un peu surfé sur le net et apparemment il existe un documentaire Big Lucky Carter fait par un français
http://www.film-documentaire.fr/film.php?id=8182
jamais entendu parler pour ma part
http://www.film-documentaire.fr/film.php?id=8182
jamais entendu parler pour ma part
Re: Big Lucky Carter
yes jungle
http://www.10francs.fr/pages/filminfo.php?ref=2616
http://www.10francs.fr/pages/filminfo.php?ref=2616
badlieut2002- Chicago Hero
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Localisation : Rillettes land (72)
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Re: Big Lucky Carter
Enregistrée à Memphis en 1999 :
Chufere- Delta King
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