Autobiographies
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Loic
Gut bucket
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Autobiographies
Les pionniers du blues ne peuvent plus témoigner. Les derniers dinosaures s’éteignent les uns après les autres.
Mais il reste quelques héritiers de cette musique, ceux qui ont créé une expression populaire américaine de l’après-guerre.
Les voies suivies par ces artistes sont très diverses, country, rock, folk... Mais tous revendiquent comme patrimoine les racines du blues.
Johnny Cash, Keith Richards, Neil Young, Patti Smith, Bob Dylan, Léonard Cohen...
Je ne sais plus quel écrivain disait qu’il est aberrant de rédiger ses mémoires avant un âge mûr.
Et tous ces artistes ont pour point commun d’y être dans l’âge mûr (J.Cash n’est plus).
Depuis dix ans, les autobiographies fleurissent.
Et nombre de ces textes sont de très grande qualité.
J’ai ouvert ce sujet pour partager le plaisir que j’ai eu à lire certaines d’entre elles.
(Je cherche toujours l’autobiographie de Big Bill Broonzy version française, si quelqu’un a une piste, je suis preneur)
La première:
Bob Dylan, Chroniques, volume 1.
2004.
Une autobiographie fidèle au personnage. Sincère et profonde tout en étant discrète et fuyante. Ne cherchez pas de grande révélation, ce livre est l’exact opposé des publications tapageuses.
Pas de scoop du star système de l’époque, pas de débauche érotique, pas d’immersion dans les orgies du Rock.
Dylan décrit simplement sa vie, ses envies, ce à quoi il aspire au moment de la rédaction du livre: une vie tranquille où son plus grand plaisir est de dîner en famille, lire, écouter des disques.
Mais Dylan est complexe. Il a toujours été ambivalent. Cet idéal de vie casanière est écartelé pas son besoin tout aussi grand de tourner sans fin, de mener une existence errante faite de route, de bus de tournée, d’hôtels, de décalages horaires.
Il partage ses souvenirs d’enfance, la fuite vers New York pour échapper à l’ennui des bonnes moeurs de son Minnesota natal. Il décrit Greenwich village et ses rencontres artistiques, son éducation culturelle, ses premiers grands émois musicaux et amoureux.
Il dresse l’envers du décors de son statut quasi messianique d’icône de la nouvelle génération.
Il témoigne de ses doutes, de ses grands virages artistiques, des moments sombres qu’il a traversé. De ses multiples retours aussi.
Dylan a une conscience aigüe de son environnement et des différentes époques de sa vie. Il porte un regard sans concession sur les autres et sur lui-même. Mais cette précision au scalpel n’affecte pas la distance qu’il impose entre lui et son lecteur, entre lui et ses souvenirs, entre lui et lui.
Les musiciens qui cherchent des secrets de composition ou la description des instruments de Dylan seront déçus. Les groupies qui cherchent des secrets intimes seront déçus. Les musicologues passionnés de culture populaire américaine seront déçus.
Mais le livre comporte tout ça. Par petites touches.
Dylan est désabusé, cynique parfois, détaché de beaucoup de choses mais son livre a un goût, amère certes, de vérité.
En cela, le titre, «Chroniques», est impeccable. Nous n’avons pas à faire à une autobiographie, chronologique de surcroît, mais à des chroniques, des pensées, des réflexions. Et ce genre de l’autobiographie s’avère être un support, un squelette pour créer un objet littéraire de grande qualité.
Mais il reste quelques héritiers de cette musique, ceux qui ont créé une expression populaire américaine de l’après-guerre.
Les voies suivies par ces artistes sont très diverses, country, rock, folk... Mais tous revendiquent comme patrimoine les racines du blues.
Johnny Cash, Keith Richards, Neil Young, Patti Smith, Bob Dylan, Léonard Cohen...
Je ne sais plus quel écrivain disait qu’il est aberrant de rédiger ses mémoires avant un âge mûr.
Et tous ces artistes ont pour point commun d’y être dans l’âge mûr (J.Cash n’est plus).
Depuis dix ans, les autobiographies fleurissent.
Et nombre de ces textes sont de très grande qualité.
J’ai ouvert ce sujet pour partager le plaisir que j’ai eu à lire certaines d’entre elles.
(Je cherche toujours l’autobiographie de Big Bill Broonzy version française, si quelqu’un a une piste, je suis preneur)
La première:
Bob Dylan, Chroniques, volume 1.
2004.
Une autobiographie fidèle au personnage. Sincère et profonde tout en étant discrète et fuyante. Ne cherchez pas de grande révélation, ce livre est l’exact opposé des publications tapageuses.
Pas de scoop du star système de l’époque, pas de débauche érotique, pas d’immersion dans les orgies du Rock.
Dylan décrit simplement sa vie, ses envies, ce à quoi il aspire au moment de la rédaction du livre: une vie tranquille où son plus grand plaisir est de dîner en famille, lire, écouter des disques.
Mais Dylan est complexe. Il a toujours été ambivalent. Cet idéal de vie casanière est écartelé pas son besoin tout aussi grand de tourner sans fin, de mener une existence errante faite de route, de bus de tournée, d’hôtels, de décalages horaires.
Il partage ses souvenirs d’enfance, la fuite vers New York pour échapper à l’ennui des bonnes moeurs de son Minnesota natal. Il décrit Greenwich village et ses rencontres artistiques, son éducation culturelle, ses premiers grands émois musicaux et amoureux.
Il dresse l’envers du décors de son statut quasi messianique d’icône de la nouvelle génération.
Il témoigne de ses doutes, de ses grands virages artistiques, des moments sombres qu’il a traversé. De ses multiples retours aussi.
Dylan a une conscience aigüe de son environnement et des différentes époques de sa vie. Il porte un regard sans concession sur les autres et sur lui-même. Mais cette précision au scalpel n’affecte pas la distance qu’il impose entre lui et son lecteur, entre lui et ses souvenirs, entre lui et lui.
Les musiciens qui cherchent des secrets de composition ou la description des instruments de Dylan seront déçus. Les groupies qui cherchent des secrets intimes seront déçus. Les musicologues passionnés de culture populaire américaine seront déçus.
Mais le livre comporte tout ça. Par petites touches.
Dylan est désabusé, cynique parfois, détaché de beaucoup de choses mais son livre a un goût, amère certes, de vérité.
En cela, le titre, «Chroniques», est impeccable. Nous n’avons pas à faire à une autobiographie, chronologique de surcroît, mais à des chroniques, des pensées, des réflexions. Et ce genre de l’autobiographie s’avère être un support, un squelette pour créer un objet littéraire de grande qualité.
Gut bucket- Chicago Hero
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Re: Autobiographies
C'est un livre incontournable pour tout Dylanophile qui se respecte, à mon humble avis. J'avais beaucoup aimé parce que c'est bien écrit, en tout cas bien traduit et parce qu'il y a tout un chapitre passionnant consacré à la conception de l'album Oh Mercy, très bel album par ailleurs.
La rumeur dit qu'il est en train d'écrire la suite, et qu'elle devrait sortir un de ces jours. Si seulement...mais méfiance car avec Dylan, rien n'est jamais prévisible.
J'aime bien cette idée du topic consacré aux autobiographies.
On peut aussi évoquer celle de Keith Richards, Life. Certes, ce n'est pas un bluesman, certes le livre est un bestseller avec un peu trop de pages consacrées à ses histoires de dope ( au moins une centaine de pages en trop à mon sens). Toutefois, le livre nous montre un peu l'envers du décor pour plusieurs albums, ce qui est passionnant, et le rapport des Stones au blues et aux bluesmen est également évoqué, rien que pour ça ça vaut le coup. Tout comme pour Dylan, je ne suis pas sûr que tout ce qui est dans ce livre soit absolument authentique, mais c'est intéressant.
La rumeur dit qu'il est en train d'écrire la suite, et qu'elle devrait sortir un de ces jours. Si seulement...mais méfiance car avec Dylan, rien n'est jamais prévisible.
J'aime bien cette idée du topic consacré aux autobiographies.
On peut aussi évoquer celle de Keith Richards, Life. Certes, ce n'est pas un bluesman, certes le livre est un bestseller avec un peu trop de pages consacrées à ses histoires de dope ( au moins une centaine de pages en trop à mon sens). Toutefois, le livre nous montre un peu l'envers du décor pour plusieurs albums, ce qui est passionnant, et le rapport des Stones au blues et aux bluesmen est également évoqué, rien que pour ça ça vaut le coup. Tout comme pour Dylan, je ne suis pas sûr que tout ce qui est dans ce livre soit absolument authentique, mais c'est intéressant.
Loic- Fever In The Bayou
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Re: Autobiographies
La maison d'édition annonce trois tome des chroniques de Dylan. Mais tu dis avec justesse qu'il faut se méfier du Zim.
J'ai prévu de poster un petit compte rendu de celle de Keith Richards, pour laquelle je ne serai pas aussi sévère que toi...
J'ai prévu de poster un petit compte rendu de celle de Keith Richards, pour laquelle je ne serai pas aussi sévère que toi...
Gut bucket- Chicago Hero
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Re: Autobiographies
Sévère mais j'espère juste...
Et attention, en tant que fan des Stones, malgré les critiques que j'en fais, j'ai tout de même adoré Life Je me souviens même avoir dévoré le bouquin...
Après je pense que l'adhésion n'exclut pas la critique
Et attention, en tant que fan des Stones, malgré les critiques que j'en fais, j'ai tout de même adoré Life Je me souviens même avoir dévoré le bouquin...
Après je pense que l'adhésion n'exclut pas la critique
Loic- Fever In The Bayou
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Re: Autobiographies
Je ne sais pas s'il est encore disponible à la vente. Peut être écrire à l'éditeur...Gut bucket a écrit:(Je cherche toujours l’autobiographie de Big Bill Broonzy version française, si quelqu’un a une piste, je suis preneur)
http://hot-club.asso.fr/docum/livre/P39.htm
Là aussi, ce n'est pas à proprement parler une autobiographie complète et bien construite, mais plutôt le récit d'un artiste, parfois complètement surréaliste, qui nous permet d'aborder le monde du Blues de l'intérieur, avec ses codes et son ambiance qui nous paraissent parfois bien étranges...
Ne pas prendre au premier degré, bien entendu, mais très agréable à lire...
L
Phil cotton color- Chicago Hero
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Date d'inscription : 30/12/2008
Re: Autobiographies
Johnny Cash
«L’autobiographie», 2005.
Un an après le premier volet des chroniques de Dylan, l’autobiographie de Johnny Cash.
Les deux hommes se connaissent bien, ont l’un envers l’autre un respect immense, de nombreuses collaborations. Et des similitudes dans le déroulement de leurs vies.
Par contre, la structure de leur autobiographie est très différente.
Celle de Cash est, malgré quelques flashbacks, chronologique. Son livre est chapitré par périodes, chaque titre portant le nom d’un lieu géographique symbolisant ses tranches de vie.
Le premier chapitre: Cinnamon Hill.
Après quelques pages pompeuses où il retrace son arbre généalogique depuis dix générations irlandaises, cette ouverture est exceptionnelle. Johnny raconte son enfance.
Dans le sud ouest de l’Akansas, à 30 kms de Memphis et à 60 kms des collines du nord du Mississippi.
Son père est métayer, il possède une parcelle de terre dans laquelle il plante du coton pour l’essentiel et quelques légumes pour la consommation familiale.
Ce père est un exemple de courage et de travail, Johnny le respecte. Mais il est froid et n’accorde que peu de temps à ses enfants. Il n’a pas le choix. Ce père tutélaire est un modèle pour le fils Cash qui effectue les travaux dans les champs dès l’âge de cinq ans.
L’intérêt fondamental de ce premier chapitre, (je n’ai jamais pu lire ailleurs ce témoignage), tient à la qualité de la description du travail agricole dans le sud dans les années 40.
Cash sait de quoi il parle. Il décrit avec une précision maniaque le moindre détail de la culture du coton. Les parasites, les aléas climatiques, les variétés des plans, leurs propriétés... C’est une immersion totale, d’une précision au scalpel, dans les conditions de vie des planteurs. Il explique notamment la douleur que la récolte des fleurs de coton infligent aux doigts. Les micro-coupures sont si nombreuses et si douloureuses que l’on se demande comment certains bluesmens ont pu choisir la guitare en fingerpicking.
Puis vient le drame de sa vie. Son grand frère est son idole depuis toujours, ils sont frères, alter-égo, amis intimes, confidents. Et ce frère meurt brutalement à 14 ans en tombant à plat ventre sur une scie circulaire. C’est l’événement le plus traumatisant de la vie de Johnny, et probablement le plus fondateur de sa pensée et de ses troubles ultérieurs.
Rapidement surgissent la gloire, l’argent, la reconnaissance.
En cette fin de chapitre, il y a aussi la description d’un moment marquant, peu banal. La prise d’otage et le cambriolage de la famille Cash dans leur résidence de la Jamaïque.
Chapitre deux: The road.
Sur cinq chapitres, deux s’intitulent «The road» et «The road again». C’est très intelligent. Cash est un type ambivalent, il ne supporte pas la monotonie et fuit la vie de couple installée mais c’est aussi son idéal. Dylan est un peu pareil sur ce point. C’est intelligent parce que ces deux chapitres correspondent à des dates de tournées où l’homme en noir est perpétuellement sur la route, en manque de repères stables.
Tourneur fou comme Dylan, (près de 300 dates par an à cette époque), il vit ses débuts médiatiques et sa reconnaissance avec amertume. Sa polytoxicomanie débute, son addiction aux amphétamines et à l’alcool s’installe. Cette dépendance va rythmer la suite du récit.
Chapitre trois: Port Richey
Cash devient une superstar, il a des moyens financiers incroyables. Mais il va au plus mal.
Sa relation avec Vivian tourne au vinaigre. Il devient fou. Son addiction aux drogues crée une distance entre lui et ses proches, les tournées permanentes n’améliorent pas les choses.
Incapable de poursuivre sa route, il décide de marcher dans une grotte accueillant d’anciennes cérémonies indiennes pour se laisser mourir. Il a toujours démentit cette vision des choses, mais c’est bien d’un suicide qu’il s’agit. Par chance, il s’en sort. Sur ce passage, Cash est purement délirant. Il traduit bien ce mélange d’égo surdimensionné, de mythomanie même, et de retenue pudique jusqu’à l’extrême humilité. De schizophrénie.
Un passage mystique.
Chapitre quatre: Bon Aqua.
C’est le Johnny du star système, celui qui est invité à la maison blanche par différents présidents, celui qui reflète l’Amérique. Mais c’est surtout sa période profondément religieuse. Après avoir touché le fond de la dépression, des dépendances et des mauvaises relations amoureuses, il se réfugie dans la chrétienté. Ce chapitre est difficile à appréhender pour nous européens. Cette ferveur religieuse est un élément culturel qui nous échappe. Comment l’homme en noir, rebelle et individualiste jusqu’à la moelle peut-il se conformer à un dogme aussi conventionnel.
Le chapitre que j’ai eu le plus de mal à lire. Mais on sent bien qu’il n’est question que de patience avant de repartir dans le vif. Quand je disais des similitudes avec Dylan, cette période est la plus flagrante. Période chrétienne. Remise en cause totale.
Dernier chapitre: The road again.
Cash a tout perdu et tout retrouvé à la fois. Sa famille est disloquée mais il renoue des liens fraternels avec ses enfants et petits enfants. Il se fout des contrats carriéristes, tourne dans le monde entier et se repose dans l’une de ses propriétés quand il en ressent le besoin. Il connaît son rythme et le respecte. C’est un homme apaisé qui aime sa vie, maîtrise ses pulsions, est au clair avec lui-même.
Cash est mort le 12 septembre 2003.
«L’autobiographie», 2005.
Un an après le premier volet des chroniques de Dylan, l’autobiographie de Johnny Cash.
Les deux hommes se connaissent bien, ont l’un envers l’autre un respect immense, de nombreuses collaborations. Et des similitudes dans le déroulement de leurs vies.
Par contre, la structure de leur autobiographie est très différente.
Celle de Cash est, malgré quelques flashbacks, chronologique. Son livre est chapitré par périodes, chaque titre portant le nom d’un lieu géographique symbolisant ses tranches de vie.
Le premier chapitre: Cinnamon Hill.
Après quelques pages pompeuses où il retrace son arbre généalogique depuis dix générations irlandaises, cette ouverture est exceptionnelle. Johnny raconte son enfance.
Dans le sud ouest de l’Akansas, à 30 kms de Memphis et à 60 kms des collines du nord du Mississippi.
Son père est métayer, il possède une parcelle de terre dans laquelle il plante du coton pour l’essentiel et quelques légumes pour la consommation familiale.
Ce père est un exemple de courage et de travail, Johnny le respecte. Mais il est froid et n’accorde que peu de temps à ses enfants. Il n’a pas le choix. Ce père tutélaire est un modèle pour le fils Cash qui effectue les travaux dans les champs dès l’âge de cinq ans.
L’intérêt fondamental de ce premier chapitre, (je n’ai jamais pu lire ailleurs ce témoignage), tient à la qualité de la description du travail agricole dans le sud dans les années 40.
Cash sait de quoi il parle. Il décrit avec une précision maniaque le moindre détail de la culture du coton. Les parasites, les aléas climatiques, les variétés des plans, leurs propriétés... C’est une immersion totale, d’une précision au scalpel, dans les conditions de vie des planteurs. Il explique notamment la douleur que la récolte des fleurs de coton infligent aux doigts. Les micro-coupures sont si nombreuses et si douloureuses que l’on se demande comment certains bluesmens ont pu choisir la guitare en fingerpicking.
Puis vient le drame de sa vie. Son grand frère est son idole depuis toujours, ils sont frères, alter-égo, amis intimes, confidents. Et ce frère meurt brutalement à 14 ans en tombant à plat ventre sur une scie circulaire. C’est l’événement le plus traumatisant de la vie de Johnny, et probablement le plus fondateur de sa pensée et de ses troubles ultérieurs.
Rapidement surgissent la gloire, l’argent, la reconnaissance.
En cette fin de chapitre, il y a aussi la description d’un moment marquant, peu banal. La prise d’otage et le cambriolage de la famille Cash dans leur résidence de la Jamaïque.
Chapitre deux: The road.
Sur cinq chapitres, deux s’intitulent «The road» et «The road again». C’est très intelligent. Cash est un type ambivalent, il ne supporte pas la monotonie et fuit la vie de couple installée mais c’est aussi son idéal. Dylan est un peu pareil sur ce point. C’est intelligent parce que ces deux chapitres correspondent à des dates de tournées où l’homme en noir est perpétuellement sur la route, en manque de repères stables.
Tourneur fou comme Dylan, (près de 300 dates par an à cette époque), il vit ses débuts médiatiques et sa reconnaissance avec amertume. Sa polytoxicomanie débute, son addiction aux amphétamines et à l’alcool s’installe. Cette dépendance va rythmer la suite du récit.
Chapitre trois: Port Richey
Cash devient une superstar, il a des moyens financiers incroyables. Mais il va au plus mal.
Sa relation avec Vivian tourne au vinaigre. Il devient fou. Son addiction aux drogues crée une distance entre lui et ses proches, les tournées permanentes n’améliorent pas les choses.
Incapable de poursuivre sa route, il décide de marcher dans une grotte accueillant d’anciennes cérémonies indiennes pour se laisser mourir. Il a toujours démentit cette vision des choses, mais c’est bien d’un suicide qu’il s’agit. Par chance, il s’en sort. Sur ce passage, Cash est purement délirant. Il traduit bien ce mélange d’égo surdimensionné, de mythomanie même, et de retenue pudique jusqu’à l’extrême humilité. De schizophrénie.
Un passage mystique.
Chapitre quatre: Bon Aqua.
C’est le Johnny du star système, celui qui est invité à la maison blanche par différents présidents, celui qui reflète l’Amérique. Mais c’est surtout sa période profondément religieuse. Après avoir touché le fond de la dépression, des dépendances et des mauvaises relations amoureuses, il se réfugie dans la chrétienté. Ce chapitre est difficile à appréhender pour nous européens. Cette ferveur religieuse est un élément culturel qui nous échappe. Comment l’homme en noir, rebelle et individualiste jusqu’à la moelle peut-il se conformer à un dogme aussi conventionnel.
Le chapitre que j’ai eu le plus de mal à lire. Mais on sent bien qu’il n’est question que de patience avant de repartir dans le vif. Quand je disais des similitudes avec Dylan, cette période est la plus flagrante. Période chrétienne. Remise en cause totale.
Dernier chapitre: The road again.
Cash a tout perdu et tout retrouvé à la fois. Sa famille est disloquée mais il renoue des liens fraternels avec ses enfants et petits enfants. Il se fout des contrats carriéristes, tourne dans le monde entier et se repose dans l’une de ses propriétés quand il en ressent le besoin. Il connaît son rythme et le respecte. C’est un homme apaisé qui aime sa vie, maîtrise ses pulsions, est au clair avec lui-même.
Cash est mort le 12 septembre 2003.
Gut bucket- Chicago Hero
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Re: Autobiographies
Patti Smith, «Just Kids»,
2010
Patti smith grandit dans le New Jersey, au sein d’une famille modeste. Elle est taciturne. Elle dévore très tôt tous les livres qu’elle croise. Elle vit dans la littérature, du XIXème essentiellement.
À l’adolescence, elle se pose de nombreuses questions sur sa féminité, sur la liberté, sur la religion. Elle développe déjà une vision du monde et une relation à l’autre très particulière.
Sa meilleure amie meurt d’une maladie incurable.
Elle s’ennuie.
Elle se prend de passion pour l’oeuvre de Rimbaud, au point d’en tomber follement amoureuse et d’entreprendre un voyage en Europe pour sillonner les lieux où il a vécu.
À 20 ans, avec très peu d’argent en poche, elle prend le bus pour New York, où elle espère dégoter un petit boulot de vendeuse dans une librairie.
Paumée, elle erre dans NY quelques temps, dort dans des squares et là où elle trouve de quoi s’abriter.
Elle rencontre Robert Maplethorpe qui deviendra son alter-ego, son amant, son ami, son frère et son enfant. Relation complexe. Elle, le garçon manqué et lui l’homosexuel refoulé vivront une relation emprunte de respect et d’égalité. Tous deux vont rencontrer des gens aussi paumés qu’eux, qui deviendront tous des artistes majeurs dans leur discipline.
L’époque du Chelsea Hôtel termine cette initiation poétique en apothéose.
Gysin et Burroughs, défoncés comme des coings inventent la poésie en cut-up, mais Gysin fixe trop sa machine à provoquer des crises d’épilepsie.
Kerouac n’est pas loin.
Janis ramène Morrison pour la nuit. Cohen en est fou de jalousie. Mais c’est Kristofferson, beau comme un dieu, que Pearl voulait ce soir-là.
Seul dans sa chambre, Allen Ginsberg chiale d’émotion en écoutant «Desolation Row» sur une platine .
Le livre suit une trame chronologique dans laquelle sont brodés une multitude de flashbacks, de parenthèses, de rêveries ou de pensées.
Le texte est avant tout un hommage à Robert Maplethorpe. Mais il est précieux en tant que photographie du Grenwich village de la fin des années 60, de la scène artistique New-Yorkaise en train de s’inventer et de s’imposer (même si Warhol ou Dylan sont déjà des icônes).
C’est une histoire d’amour entre deux jeunes gens. Un document sociologique sur la quête de nouveauté d’une jeunesse qui refuse le mode de vie étriqué d’une Amérique puritaine. Une immersion dans la création artistique de l’époque. Un texte introspectif. Un exercice de style.
Ce livre est dense mais l’écriture est très fluide. Patti Smith nous emmène dans les différentes étapes de sa vie avec une facilité déconcertante. Elle a beaucoup de recul sur les événements qui ont jalonnés son parcours. Sincère et en accord avec elle-même, elle n’hésite pas une seconde à bousculer les archétypes de la Rock-star (elle boit du thé, n’a été droguée que quelques fois, dont la première à son insu, ne court pas après le sexe...)
Elle est lucide et rêveuse à la fois. Elle est peu impressionnable. La découverte d’un bijou de pacotille peut l’émouvoir autant que la rencontre d’une personnalité du show-biz.
On a l’impression d’être assis dans un vieux chesterfield et de l’écouter nous raconter ses anecdotes. Elle a la simplicité d’une personne généreuse et accessible. Mais en contrepartie, elle garde sa réserve et ne se dévoile qu’avec pudeur. Elle est proche et distante à la fois. Et l’ensemble de sa personnalité est duel.
À la lecture de ce livre, on s’imprègne d’une pensée pleine d’originalité.
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Les autobiographies que je présente ne sont pas des témoignages de bluesmen, plutôt des personnages du monde du Rock, Blues Rock, Country. Mais la connaissance et la conscience qu’ils ont de leurs racines blues est une mine d’or. Dylan parle de Gary Davis, Cash témoigne du travail dans les champs de coton, Patti Smith décrit les disques de Blues redécouverts au Chelsea Hôtel, Morrison se revendique bluesman à la fin de sa vie, Richards voue une admiration sans borne à cette musique... Ils ont tous ce point commun, avoir le blues en héritage.
Meilleur exemple, Dylan, à ses débuts dans Greenwich village, à force de dévaliser les discothèques de ses amis, avait mémorisé 5000 blues, paroles et musiques. Ce genre d’information tient peut-être du mythe, mais connaissant la mémoire ahurissante du bonhomme, il est possible qu’il ai réellement un cerveau de la taille de la bibliothèque du congrès.
Et c’est en partie grâce à eux que les jeunes, et moins jeunes, ont découvert les blues anciens.
2010
Patti smith grandit dans le New Jersey, au sein d’une famille modeste. Elle est taciturne. Elle dévore très tôt tous les livres qu’elle croise. Elle vit dans la littérature, du XIXème essentiellement.
À l’adolescence, elle se pose de nombreuses questions sur sa féminité, sur la liberté, sur la religion. Elle développe déjà une vision du monde et une relation à l’autre très particulière.
Sa meilleure amie meurt d’une maladie incurable.
Elle s’ennuie.
Elle se prend de passion pour l’oeuvre de Rimbaud, au point d’en tomber follement amoureuse et d’entreprendre un voyage en Europe pour sillonner les lieux où il a vécu.
À 20 ans, avec très peu d’argent en poche, elle prend le bus pour New York, où elle espère dégoter un petit boulot de vendeuse dans une librairie.
Paumée, elle erre dans NY quelques temps, dort dans des squares et là où elle trouve de quoi s’abriter.
Elle rencontre Robert Maplethorpe qui deviendra son alter-ego, son amant, son ami, son frère et son enfant. Relation complexe. Elle, le garçon manqué et lui l’homosexuel refoulé vivront une relation emprunte de respect et d’égalité. Tous deux vont rencontrer des gens aussi paumés qu’eux, qui deviendront tous des artistes majeurs dans leur discipline.
L’époque du Chelsea Hôtel termine cette initiation poétique en apothéose.
Gysin et Burroughs, défoncés comme des coings inventent la poésie en cut-up, mais Gysin fixe trop sa machine à provoquer des crises d’épilepsie.
Kerouac n’est pas loin.
Janis ramène Morrison pour la nuit. Cohen en est fou de jalousie. Mais c’est Kristofferson, beau comme un dieu, que Pearl voulait ce soir-là.
Seul dans sa chambre, Allen Ginsberg chiale d’émotion en écoutant «Desolation Row» sur une platine .
Le livre suit une trame chronologique dans laquelle sont brodés une multitude de flashbacks, de parenthèses, de rêveries ou de pensées.
Le texte est avant tout un hommage à Robert Maplethorpe. Mais il est précieux en tant que photographie du Grenwich village de la fin des années 60, de la scène artistique New-Yorkaise en train de s’inventer et de s’imposer (même si Warhol ou Dylan sont déjà des icônes).
C’est une histoire d’amour entre deux jeunes gens. Un document sociologique sur la quête de nouveauté d’une jeunesse qui refuse le mode de vie étriqué d’une Amérique puritaine. Une immersion dans la création artistique de l’époque. Un texte introspectif. Un exercice de style.
Ce livre est dense mais l’écriture est très fluide. Patti Smith nous emmène dans les différentes étapes de sa vie avec une facilité déconcertante. Elle a beaucoup de recul sur les événements qui ont jalonnés son parcours. Sincère et en accord avec elle-même, elle n’hésite pas une seconde à bousculer les archétypes de la Rock-star (elle boit du thé, n’a été droguée que quelques fois, dont la première à son insu, ne court pas après le sexe...)
Elle est lucide et rêveuse à la fois. Elle est peu impressionnable. La découverte d’un bijou de pacotille peut l’émouvoir autant que la rencontre d’une personnalité du show-biz.
On a l’impression d’être assis dans un vieux chesterfield et de l’écouter nous raconter ses anecdotes. Elle a la simplicité d’une personne généreuse et accessible. Mais en contrepartie, elle garde sa réserve et ne se dévoile qu’avec pudeur. Elle est proche et distante à la fois. Et l’ensemble de sa personnalité est duel.
À la lecture de ce livre, on s’imprègne d’une pensée pleine d’originalité.
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Les autobiographies que je présente ne sont pas des témoignages de bluesmen, plutôt des personnages du monde du Rock, Blues Rock, Country. Mais la connaissance et la conscience qu’ils ont de leurs racines blues est une mine d’or. Dylan parle de Gary Davis, Cash témoigne du travail dans les champs de coton, Patti Smith décrit les disques de Blues redécouverts au Chelsea Hôtel, Morrison se revendique bluesman à la fin de sa vie, Richards voue une admiration sans borne à cette musique... Ils ont tous ce point commun, avoir le blues en héritage.
Meilleur exemple, Dylan, à ses débuts dans Greenwich village, à force de dévaliser les discothèques de ses amis, avait mémorisé 5000 blues, paroles et musiques. Ce genre d’information tient peut-être du mythe, mais connaissant la mémoire ahurissante du bonhomme, il est possible qu’il ai réellement un cerveau de la taille de la bibliothèque du congrès.
Et c’est en partie grâce à eux que les jeunes, et moins jeunes, ont découvert les blues anciens.
Dernière édition par Gut bucket le Dim 20 Sep 2015 - 21:39, édité 1 fois
Gut bucket- Chicago Hero
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Re: Autobiographies
Merci Gut de ce compte rendu, qui me touche à plusieurs niveaux, Patty Smith bien sûr, mais aussi le Village de cette époque. Livre prioritaire sur ma liste grâce à toi
jb28- Chicago Hero
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Re: Autobiographies
La frontière entre le blues et le rock est si fine qu'il semble ne pas y en avoir. C'est un peu comme une avalanche il y a le flocon de trop qui fait partir une petite plaque puis c'est tout un pan de montagne qui emporte tout sur son passage. Avec la "Beat Generation" on est encore très près du Blues.
Re: Autobiographies
En effet, d'ailleurs, les débuts de Patti Smith à New York, jeune fille errant comme un hobo, après avoir accouché sous x, puis traînant ensuite avec Maplethorpe de taudis en hôtels sordides, n'est pas sans évoqué la vie de certains musiciens de blues. Même si dans son cas, il s'agit plus d'un choix de vie consacrée à l'art, que des conditions de vie résultant de la ségrégation ou de l'extrême pauvreté.
"Just Kids" est un livre tout-à-fait admirable, qui tient tout autant du récit que de l'autobiographie. Je corrobore tout ce qu'a écrit Gut Bucket.
J'ajouterai que dans ce livre, il n'y a aucun apitoiement sur soi, ni aucune auto-célébration, le portait que Patti Smith dresse d'elle-même à cette époque est plutôt d'une jeune femme assez réservée voire effacée, avec une grande spiritualité intérieure, hésitant longtemps entre les arts plastiques et l'écriture, et s'émancipant de la tutelle de son compagnon que progressivement. Une image de la future égérie du Punk-rock, qui détonne avec celle que l'on se fait habituellement des rocks stars !
La qualité de l'écriture fait que l'on peut tout-à-fait lire ce livre, même si on ne se passionne pas pour le rock New-yorkais. Le regard qu'elle porte sur son milieu (pour faire court, le pop art, la beat generation, la musique rock) est particulièrement lucide, mais conserve beaucoup de tendresse dans les portraits qu'elle dresse de personnages connus ou inconnus, allant du cocasse au pathétique.
Pour moi, un des meilleurs livres que j'ai lu ces derniers temps...
"Just Kids" est un livre tout-à-fait admirable, qui tient tout autant du récit que de l'autobiographie. Je corrobore tout ce qu'a écrit Gut Bucket.
J'ajouterai que dans ce livre, il n'y a aucun apitoiement sur soi, ni aucune auto-célébration, le portait que Patti Smith dresse d'elle-même à cette époque est plutôt d'une jeune femme assez réservée voire effacée, avec une grande spiritualité intérieure, hésitant longtemps entre les arts plastiques et l'écriture, et s'émancipant de la tutelle de son compagnon que progressivement. Une image de la future égérie du Punk-rock, qui détonne avec celle que l'on se fait habituellement des rocks stars !
La qualité de l'écriture fait que l'on peut tout-à-fait lire ce livre, même si on ne se passionne pas pour le rock New-yorkais. Le regard qu'elle porte sur son milieu (pour faire court, le pop art, la beat generation, la musique rock) est particulièrement lucide, mais conserve beaucoup de tendresse dans les portraits qu'elle dresse de personnages connus ou inconnus, allant du cocasse au pathétique.
Pour moi, un des meilleurs livres que j'ai lu ces derniers temps...
Re: Autobiographies
Guitar army
John Sinclair
éditions rivage rouge.
John Sinclair
éditions rivage rouge.
Dernière édition par Gut bucket le Lun 6 Jan 2014 - 21:43, édité 1 fois
Gut bucket- Chicago Hero
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